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Photo du rédacteurÉditions Fenêtres

Sous ses pas naissent les fleurs : Goethe sur le chemin de l’islam


Quel rapport entretenait Goethe avec la religion musulmane ? Certains voient dans la prédominance des thèmes et vocabulaires musulmans dans certaines de ses œuvres, et plus précisément dans son recueil de poèmes le Divan occidental-oriental, la marque de l’orientalisme romantique du XIXe siècle, dans lequel s’inscrivent également lesOrientales de Victor Hugo. Cependant, dans cet ouvrage alliant érudition et poésie, Francesca Bocca-Aldaqre et Pietrangelo Buttafuoco affirment que cette enveloppe orientaliste cache un attachement plus spirituel, une réflexion plus profonde sur la foi musulmane qui transparaît dans toutes les œuvres de Goethe et notamment dans ses pièces de théâtres aux thèmes les plus éloignés de toute référence orientaliste comme Faust ou Iphigénie en Tauride. En se plongeant dans la correspondance de Goethe, en partie inédite, les auteurs nous entraînent dans sa quête spirituelle de l’absolu, son engagement avec l’islam s’intensifiant au fil de ses lectures, rencontres et relations amoureuses. En analysant avec perspicacité et de manière nuancée la réception de l’islam par Goethe, cet ouvrage ouvre de nouvelles perspectives sur la matrice d’une œuvre majeure de la littérature allemande et replace l’islam au sein de la culture européenne.


 


La presse en parle :


« Une œuvre à mi-chemin entre essai et récit, qui parle du futur. »

« Des chapitres en miroir, qui concentrent, avec une détermination douce et apaisée, les rencontres répétées avec l’islam dans la production de l'écrivain allemand. »

Simona Segalani pour Libertà


« C’est un Goethe jamais raconté auparavant. »

« Les retombées d'une relecture de Goethe profondément lié à l’islam ne se limitent évidemment pas aux études littéraires ; de manière délicate, les auteurs suggèrent que le poète a ouvert une voie au sein de la culture occidentale pour se repenser non pas en se différenciant de l'islam, mais en se laissant traverser, pénétrer, inspirer. »

Aldo Cazzulo pour Corriere de la Sierra



« Une œuvre qui a le courage de montrer Goethe traversé dans sa vie et ses œuvres par le message du Noble Coran pendant toutes les périodes de son existence. »

« C’est un travail important, qui avec sa légèreté arrive à mettre en discussion tout : le passé, le présent et d’une manière surprenante parvient à ouvrir des scénarios révolutionnaires pour le futur. »

Guiseppe d’Amico pour La Luce



 

L’extrait du livre


C’est précisément dans ces quelques feuilles des Koran-Auszüge, à partir de versets qui ne sont parfois même pas recopiés entièrement, que la source d’indices dispersés dans le travail de Goethe peut être identifiée. Par exemple, l’un des dernièrs versets est la prière prononcée par Moïse avant d’aller au-devant de Pharaon : « Seigneur, dit Moïse, élargis‑moi la poitrine, facilite-moi ma mission, et dénoue un nœud de ma langue[1] […] » Déjà, dans une lettre adressée à Herder, le poète reprend ce verset : « Je voudrais prier comme Moïse dans le Coran : Seigneur, faites de la place dans ma poitrine[2]. » L’expression le touche tellement qu’il la fait prononcer également à l’un de ses personnages de théâtre, Götz von Berlichingen, qui formule des paroles d’encouragement : « Dieu vous donnera de l’espace[3]. »

C’est une image si chargée d’émotion qu’elle aboutit – en la transformant en paroles – à la tentative du poète de créer un langage vernaculaire allemand d’inspiration coranique. L’étude du Livre, pour Goethe, n’est en rien réductible à un jeu de consonances, c’est au contraire une compréhension de ses valeurs les plus profondes. Même une pièce loin de tout caractère oriental comme Iphigénie,[4] écrite d’abord en prose en 1779, puis en vers lors de son voyage en Italie, reflète le désir de Goethe d’adapter l’islam à l’héritage de la Grèce. Ceci est visible dès la première scène du premier acte, quand Iphigénie s’abandonne à « une volonté souveraine ».[5]

Le mot « abandon » – Ergebung – est choisi comme traduction du terme islam, comme Goethe le précise lui-même dans ses lettres, déclarant que l’essence de cette religion est « l’abandon inconditionnel à la volonté de Dieu[6]. » Ainsi, dans le Divan, le même terme revient :

« Si Islam veut dire : soumis (abandon) à Dieu

Nous vivons et mourons tous en Islam[7]. »

Iphigénie, outre l’utilisation de la terminologie islamique établie par Goethe, est un exemple radical de l’idéal de la « femme coranique ». En effet, elle s’abandonne à Dieu, sans se contenter de ses propres œuvres. Quand Thoas la confronte au bien accompli dans sa courte existence, elle répond :

« Ce qui fut obtenu est peu de choses

Aux yeux de qui regarde au loin

Et voit tout ce qui reste à faire[8]. »

On a presque l’impression de voir la figure coranique d’Assia[9], elle aussi prisonnière dans un palais (celui de son mari, l’injuste Pharaon), qui adresse des prières à Dieu en restant fermement obéissante à son devoir. Bien que la Loi éternelle soit conforme à la nature originelle de l’homme, il est faux d’attribuer à Goethe en même temps la foi aveugle des Lumières dans la Raison et une sentimentalité romantique. Les deux extrêmes, en effet, sont durement critiqués par Iphigénie[10] :

THOAS

Ce ne sont pas les dieux, c’est ton cœur qui te parle.

IPHIGÉNIE

Leur voix ne nous parvient qu’à travers notre cœur.

THOAS

Et moi, je n’aurais pas le droit de les entendre ?

IPHIGÉNIE

L’orage, en mugissant, domine leur murmure[11].

[1] Coran 20:25-27. [2] Lettre à Herder, Juin 1772, dans WA IV, vol. 2, p. 17. [3] « Götz von Berlichingen », Acte 1, Scène 2, dans WA I, vol. 8, p. 16. [4] NdT : Personnage principal de la pièce de théâtre « Iphigénie en Tauride » dans Théâtre Complet (Paris, Éditions Gallimard, 1988), p. 489-574. [5] WA I, vol. 10, p. 3. [6] Lettre à Zelter, 20 mai 1820, WA IV, vol. 33, p. 27. [7] Goethe, Le Divan, p. 103 ; Le terme est traduit par « soumis » en français. [8] « Iphigénie en Tauride » traduction de l’allemand par Jacques Porchat dans Goethe, Théâtre Complet, Acte I, Scène II, p. 497. [9] Selon le hadith dans al-Buḫarī (vol.4, 1508) « Les meilleures femmes du paradis : Khadidja Bint Khouwaylid, Fatima Bint Mouhammad, Maryam Bint ’Imran et Assia Bint Mouzahim, l’épouse de Pharaon. » [10] WA I, vol. 10, p. 22. [11] Goethe, « Iphigénie en Tauride » dans Théâtre Complet, Acte I, scène III, p. 509.



 






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