Résumé
Utilisant un procédé innovant et ludique, Francesca Bocca-Aldaqre retrace l’histoire des transferts intellectuels et culturels entre l’Europe et le monde musulman du Moyen-Âge au XXe siècle à l’aide de six récits d’interactions, d’adaptations, et de traduction de concepts entre deux intellectuels issus de ces espaces distincts. Faisant preuve d’une connaissance pointue de la philosophie et littérature européenne ainsi que ce celles du monde musulman, l’écrivaine et poétesse trace un pont entre Nietzsche et Muhammad Iqbal, entre Ernst Jünger et Jamal al-Din al-Afghani, entre Léo Tolstoï et l’Imam Schamyl, entre Martin Heidegger et Ibn ‘Arabi, entre Maurice Merleau-Ponty et Alhazen, entre René Descartes et Abu Hamid al-Ghazali. La mise en parallèle de ces duos de penseurs qui apparaissent généralement dans des univers intellectuels distincts permet de révéler l’entrecroisement de ces généalogies intellectuelles et de remettre en question la perception de frontière culturelle entre l’Europe et le monde musulman. Ce livre court, mais fort sur le plan conceptuel, permet non seulement d’étendre nos horizons intellectuels mais aussi d’introduire des concepts philosophiques complexes sous une forme divertissante et créative.
Presse en parle
L'homme est un animal social, et le but de notre existence est de fuir la solitude et d’engager le dialogue avec les autres : tout comme les hommes, les cultures dialogue, au-delà de ce que les préjugés, la politique, et d’autres questions peuvent laisser croire. L'Orient et l'Occident, l'islam et la tradition judéo-chrétienne constituent la chaîne et la trame qui permettent de tisser le commentaire approfondi de Francesca Bocca-Aldaqre, plus pertinent que jamais en ces temps où règnent l’exclusion et la discorde. Théologienne, professeure de civilisation musulmane à l'Université Vita-Salute San Raffaele et de culture arabe à la Società Umanitaria, elle est aussi directrice de l'Istituto di Studi Islamici Averroè à Piacenza et experte en neurosciences. À ne pas manquer. Gabriele Ottaviani, Convenzionali.com, 21 mars 2021
Occident et islam. Ce sont deux termes, deux visions du monde et non deux entités géographiques. On pourrait affirmer que l’Occident est une géographie, l’islam une religion. Mais est-ce vrai ? L’Occident peut également être compris comme une façon de penser, une production culturelle, une tradition sans fin. L’islam, avant même d’être une foi, est le pendant de l’Occident, il représente aussi une pensée, une production culturelle, une tradition sacrée mais aussi profane. Francesca Bocca-Aldaqre ne se laisse pas convaincre par des discours répandus dans la culture populaire mais déjà dépassés dans le monde universitaire. Elle écrit dans la préface : « Le choc des civilisations et la fin de l’histoire sont des voies devenues impraticables, elles n’ont pu nous guider vers l’identité, le mythe et la culture ». [...]
L’Occident et l’islam, deux cultures, deux mondes, sont en réalité voués à s’enchevêtrer ; ils appartiennent tous deux à une histoire (et même à l’Histoire) qui est essentiellement commune. L’Occident et l’islam ne sont séparés qu’en apparence, on peut presque y voir une dialectique entre thèse et antithèse dans laquelle les deux termes s’interpellent mutuellement et tendent vers une synthèse future. Il ne s’agit pas d’hybridité culturelle mais d’un regard qui peut saisir l’unité de la pensée. Selon l’auteure : « Parfois le monde musulman précède l’Occident, parfois il s’en inspire. Souvent, ces deux mondes convergent, souvent sans lien de cause à effet. C’est naturel, car la pensée est une. » C’est un exercice révolutionnaire, qui consiste à renverser le modèle désormais dépassé d’un islam en opposition et en confrontation avec l’Occident. L’islam n’est pas là-bas, en face de nous, mais ici, parmi nous. De même, l’Occident est partout, à gauche comme à droite, presque comme un voile recouvrant le monde entier. [...]
Nietzsche au paradis est un exercice dans ce sens, avec huit paires de personnages se succédant pour faire ressortir une tension commune, un développement au formes multiples et culturellement déterminé par la même évolution. Il n’y a pas d’exclusivité occidentale ni de particularité musulmane. […] Muhammad Iqbal (1877-1938) s’inspire de Friedrich Nietzsche (1844-1900), il voit en lui un mystique. Tout comme lui, il s’oppose au platonisme, loue l’individu et la capacité d’action. Nietzsche, pour sa part, s’appuie sur l’islam (certes pour s’opposer au christianisme), y percevant une exaltation vitaliste de la force, une vive source d’énergie antimoderne. Il se tourne vers la Perse, et rencontre Zoroastre – Zarathoustra – mélange entre Apollon et Dionysos. Iqbal décrit un Nietzsche qui « "était ivre de Dieu, on le prit pour un fou” sa nature n’a pas été comprise, car “malheur à l’homme ivre de Dieu qui naît en Europe !” ». [...] Nietzsche au paradis est parmi les premiers ouvrages à proposer une historiographie complètement inédite de la pensée. Il propose une voie, une alternative au choc des civilisations et à la fin de l’histoire. Giacomo Maria Arrigo, 7 avril 2021
Inspiré par l'intuition de la professeure Francesca Boca-Aldaqre, ce livre incarne la justesse philosophique de la recherche et la rigueur de la poésie. Peu de livres peuvent mettre en conversation si harmonieusement deux réalités qui, jusqu’à nos jours, on voudrait garder séparées, mais qui se font au contraire témoins de l’existence d’une relation réciproque qui ne demande qu’à être reconnue. L’Occident, divisé par une recherche constante de sa propre identité, et l’islam, réduit à un ennemi barbare auquel il faudrait s’opposer, sont en réalité des frères dialoguant autour de leur histoire commune à travers les idées de leurs philosophes les plus célèbres. […] Le point fort de la rencontre, le duo central, est constitué de Nietzsche accueilli au paradis par Muhammad Iqbal, père spirituel du Pakistan, qui, lors de ses études à Heidelberg, comprend la grandeur du philosophe allemand, écrivant : « Malheur à l’homme ivre de Dieu qui naît en Europe ! », vue comme une terre qui ne reconnaît pas ses propres prophètes. Nietzsche, de son côté, cherche un guide avec une « vision extra-européenne », faisant référence à l’islam plus d’une centaine de fois dans ses œuvres, pour redécouvrir dans le peuple musulman l’affirmation de la vie qu’Iqbal rencontra dans l’amour soufi de Rumi, son maître spirituel. Alessandro Massi, Il foglio, 19 mars 2021
Interviewée par La Lettura del Corriere della Sera, Francesca Bocca-Aldaqre déclare :
Il n’y a pas encore de formulation convaincante du monde contemporain dans la pensée musulmane. Nous, musulmans, n’avons pas encore développé une pensée nouvelle adaptée à cette époque. Une pensée pertinente pour une culture contemporaine en grande partie post-religieuse […]. Je perçois la possibilité pour la production culturelle de l’Occident de se nourrir de l’islam. Il existe selon moi un potentiel énorme pour que l’islam, sa littérature, sa spiritualité, influence culturellement l’Occident.
Biographie
Francesca Bocca-Aldaqre est chercheuse en théologie, poète, et professeure de civilisation islamique à l’Université Vita-Salute San Raffaele et de culture arabe à la Societa Umanitaria, elle est aussi experte en neurosciences. Elle est l’auteure d’Un Corano che cammina (Edizioni Studium, 2018) et Sotto il suo passo nascono i fiori (La nave di Teseo, 2019), traduit par nos soins sous le titre : Sous ses pas naissent les fleurs est paru en 2023.
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